Champion d’Europe Trail M50 !

Euro Trail Masters - La Féclaz - 09 juillet 2022

Le lièvre et la tortue

Préambule

Après avoir remporté mon premier titre européen chez les masters M50 l'an dernier à Val Trammonti en Italie, je remettais ma couronne en jeu ce week-end en Savoie à La Féclaz.

Si l'an dernier j'avais abordé l'épreuve en tant que favori, il n'en était rien cette année, où le niveau s'est encore élevé d'un cran avec notamment une participation massive de nombreux coureurs français de très bon niveau.

Sur le papier, je me voyais tout au mieux batailler pour la troisième marche du podium... et encore sans aucune certitude !

Ajouter à cela un parcours qui ne me paraissait pas particulièrement à mon avantage : 2100m de D+ en seulement 36km, aucun répit, aucun temps mort, entre montées raides et relances permanentes.

Bref, les jours précédent la course, j'avais pour le moins le moral dans les chaussettes, et m'apprêtais, résigné, à rendre ma couronne ce samedi matin !

Un début de course compliqué

Si je suis parvenu à me hisser en tête de ma catégorie au départ, grâce à un premier kilo largement descendant, j'allais très vite rentrer dans le rang !

Dès l'abord de la première difficulté le ton est donné. Je suis immédiatement déposé sur place par le favori de la course, l'italien Andréa Moretton (champion européen l'an dernier en catégorie M45).

Les autres favoris, Thierry Lippi (champion de France de trail court et aussi de course en montagne), Romain Auvray (vice-champion de France de course en montagne), ne tardèrent pas à me déposer également. Ainsi qu'un autre français, Jean Soules (vice-champion de France de trail l'an dernier), un espagnol et un roumain.

Au bout de seulement 3 kilomètres je me retrouvais donc déjà 7ème de ma catégorie (et au delà de la 50ème place au scratch !)

La "boucle de la Mort "- Acte 1

C'est ainsi que j'ai surnommé cette boucle de 10km, que nous allons avoir la joie de parcourir 2 fois, avec un D+ et un D- d'environ 700m, qui nous emmènera dans un premier temps en pied de falaise pour ensuite remonter vers la Croix du Nivolet.

J'en ai fais quelques cauchemars avant la course, tant je redoutais cette boucle, où je ne serai pas franchement à mon avantage !

Dame Patience !!

Cette fameuse boucle débute par une longue descente, sur un single où il est très compliqué de dépasser. Vu ma position à l'amorce de cette descente, j'ai tout de suite compris que cela serait difficile. *

J'allais devoir prendre mon mal en patience, saisir les très rares opportunités de dépassement, sans pour autant prendre trop de risques, pour commencer une tentative de remontée.

A défaut de pouvoir lâcher les chevaux, cela m'a au moins permis de récupérer un peu des efforts consentis dans la première montée. Mais il fallait rester très vigilants, et je suis passé très près de la correctionnelle à plusieurs reprises !

Manquant une première fois de chuter lors du franchissement d'un tronc d'arbre dans lequel je me suis joyeusement pris le pied, suivi d'une belle figure de style en dépassant un concurrent ... qui a bien failli m'emporter quelques mètres en contrebas !

Mais les choses réellement sérieuses allaient commencer au pied de la cascade, au franchissement d'un petit pont de pierre, qui signifiait la fin de la rigolade... et le début de l'ascension de 700m de D+... en grosso modo 4 km.

Le chemin de croix...

Cette formidable ascension débutait par un premier mur d'environ 1 km avant le premier ravito. Impossible de courir sur la très grande majorité de ce tronçon, je commençais à reperdre les quelques places gagnées dans la descente !

J'avais beau tout donner, il n'y avait pas moyen pour moi d'aller plus vite, et je voyais déjà mes espoirs de podium s'envoler au loin devant moi !

Au premier ravito me voilà 48ème au scratch et 6ème de ma catégorie (j'avais repris mon camarade roumain dans la descente)... loin des premiers dont l'avance était déjà d'environ 4 minutes !

Le premier kilo après le ravitaillement nous offre un petit répit avant d'aborder la rampe la plus sèche, avec pas moins de 230m de D+ en un km !... Autant dire un véritable supplice !

Le moins que l'on puisse dire c'est que je ne suis pas à mon avantage dans cette portion, tant et si bien que mon camarade roumain me rejoint et me dépose... il en sera de même des 2 premières féminines !

Le doute s'installe

C'est avec un grand soulagement que je passe une première fois la croix du Nivolet qui marque la fin de cette grosse montée... mais pas pour autant des difficultés, les 2 km suivants ne sont pas pour le moins roulants et offrent une succession de petites bosses et de passages casse-pattes.

A vouloir faire le malin, je tente un passage entre 2 arbres... et me fais transpercer le bras par un petit bout de branche cassée qui dépassait... de quoi se réveiller et se faire une nouvelle frayeur !

Décidément, les choses ne semblent pas me sourire en ce samedi !

Un dernier petit coup de cul de quand même une bonne cinquantaine de mètres de D+, et je bascule dans la descente vers le village.

Une descente caillouteuse et technique qui n'est pas à mon avantage... et  pour cause, je vois débarquer le premier M55... qui me laisse collé sur place ! De quoi achever un moral déjà bien en berne !

Sur le fil du rasoir

Il est parfois des moments où tout peu basculer, dans un sens ou dans un autre, du côté clair ou du côté obscur. Et le passage par le ravito du village, marquant quasiment la mi-course est bien de ceux-là !

Inutile de préciser que mon mental était au plus bas au moment d'aborder la seconde boucle du parcours. Ejecté du podium depuis belle lurette, même pas dans les 3 premiers français... ma seconde partie de course ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices !

Et pour couronner le tout, une vive douleur au genou gauche m'a traversée pendant quelques minutes... avant heureusement de s'estomper.

Pendant quelques instants, l'idée de tout arrêter m'a traversé l'esprit, et il me fallu une grande force mentale pour ne pas tout laisser tomber, terminer en roue libre, voir même pire m'arrêter là !

La force du mental !

Je suis coutumier du fait, de part mon profil de coureur, je suis le plus souvent confronté à cette problématique. Incapable de suivre le rythme des meilleurs dans la première partie de course, je n'ai d'autre choix que de mener mes courses à l'aveugle, en chasse patate et à m'offrir des remontées exceptionnelles en seconde partie de course.

Mais que c'est dur psychologiquement ! Et le plus souvent cela ne tient qu'à un fil entre le renoncement total d'un côté et la renaissance de l'autre.

Parfois le déclic n'arrive jamais, souvent il arrive trop tard, mais rien ne permet de le prévoir à l'avance, ce sont les circonstances de course qui décident.

Le déclic

Ce fameux déclic dont je parlais juste au dessus n'a pas tardé à se manifester. Alors que j'étais en bataille avec la seconde féminine, sur le plateau de La Féclaz, j'ai dans un premier temps aperçu au loin mon M55 sur lequel j'étais en train de revenir très fort. Mais aussi et surtout, juste devant lui, le concurrent espagnol qui m'avait déposé lors de la première montée en tout début de course !

Il n'en fallait pas plus pour que je passe du mode défaitiste au mode warrior !

Le début de la Remontada !

Une autre course commence, fini les doutes, les peurs, et place à un autre coureur et retour de l'espoir.

Très rapidement je dépose mon M55 puis croque le concurrent espagnol. A peine ces deux là dépassés que j'aperçois au loin mon ami Sébastien Doumenc, qui lui aussi m'avait laissé sur place dans la première boucle. Même si nous ne boxons pas dans la même catégorie, il me servira de relais dans mon entreprise de remontée.

Ni une ni deux et je le dépasse, il en est de même quelques instants après avec la première féminine.

Un enchainement parfait

Puis nous attaquons la montée du télésiège de l'orionde. dès les premières pentes je rejoins un concurrent français. Me voilà 5ème et sur le podium par équipe !

Je me dis qu'au moins je ne rentrerai pas bredouille de ce championnat !

Enfin je retrouve mon mental de guerrier, j'oublie toutes les douleurs, tous les doutes et jette toutes mes forces dans la bataille.

Car à peine débarrassé de Jean Soules, que j'aperçois devant le concurrent roumain !

Il me faudra moins de 2km pour faire la fonction et le passer avant la descente technique et étroite qui mène vers le chalet du Sire. Me voilà 4ème !

Et devinez quoi ?... dans cette descente je reviens sur les talons de Romain Auvray, alors 3ème !! Le chemin est très étroit, alors je le laisse lui et un autre concurrent, rester devant. Cela me permet de reprendre mon souffle et de temporiser quelques instants.

Une fois sortis de la forêt, je ne demande pas mon reste, prend directement mes responsabilités et le dépasse. Il parviendra à s'accrocher dans le gros coup de cul qui suit, mais dans l'incapacité de repasser devant moi. C'est une bonne chose, surtout juste avant d'aborder le second passage dans la 'boucle de la Mort' !

La "boucle de la Mort "- Acte 2

C'est avec 15 petites secondes d'avance sur le 4ème que je bascule dans la descente qui marque le début de cette seconde boucle.

C'est aussi le moment pour moi de tout envoyer, de prendre tous les risques pour décrocher définitivement le 4ème et ainsi tenter d'assurer ma place sur le podium. Place qui à ce moment là me satisfait pleinement.

J'ai pratiquement 9 minutes de retard sur le 1er et 7 sur le second. Autant dire que mes chances de retour sont bien maigres, et mon seul objectif est de me protéger d'un éventuel retour de l'arrière dans la partie montante qui va suivre et dans laquelle je ne pense pas être à mon avantage.

Je prends donc tous les risques dans cette descente que je sais cruciale, il y a moins de monde devant moi que lors du premier tour, mais je dois malgré tout effectuer de nombreux dépassements. C'est quasiment à 15 km/h que j'avale la pente, passant encore plusieurs fois à la limite de la correctionnelle !

Ce ne sont pas moins de 14 concurrents que je vais rattraper dans cette portion, avant le dernier ravito !

La descente terminée, au niveau de la fameuse cascade, il faut s'attaquer à la première rampe, bien difficile. Je sers les dents et continue mon effort, je parviens même à rattraper encore quelques concurrents !

Le ravitaillement n'est pas loin, et je suis toujours bien accroché à ma troisième place. Pas de retour de l'arrière, je commence à croire de plus en plus en ce podium qui me tend les bras !

Premier coup de théâtre

Alors que je suis au ravitaillement, Péline me dis qu'il n'y a qu'un coureur devant moi. Je ne comprends pas trop mais, alors que je suis en train de ravitailler, je vois passer juste devant moi Thierry Lippi, le second !

Je repars avec à peine quelques secondes de retard sur lui, je me remets tranquillement sur mon rythme et sans même faire le moindre effort me voilà revenu sur lui.

Je vois à sa démarche, légèrement titubante, qu'il n'est pas au mieux. Je ne réfléchis donc pas un instant, et passe devant, sans même me retourner.

C'est irréaliste, inattendu, mais me voilà désormais second ! Mon écart avec le 4ème est d'environ 4'. Le plus difficile est fait, et si je parviens à m'accrocher jusqu'à la Croix du Nivolet, alors cela ne devrait pas pouvoir revenir !

Là encore, cette médaille d'argent aurait amplement suffit à mon bonheur, mais j'étais très loin d'imaginer ce qu'il allait se passer ensuite !

Afin d'assurer le meilleur rythme possible, je m'accroche à un M40 qui a un très bon rythme et nous continuons à remonter des concurrents !

Après 2km terribles, me voilà enfin de retour sur cette fameuse Croix, mais cette fois la saveur est différente, car je le sais, maintenant il ne peut plus m'arriver grand chose ! Je tiens mon podium, cette seconde place à laquelle je n'osais à peine rêver avant le départ, me tendait les bras !

Second coup de théâtre

Mais je le sais, ce n'est pas une raison pour m'endormir, alors même si je relâche un peu la pression et prends toutes les précautions du monde dans les parties un peu délicates, je continue à assurer un bon tempo

Dans un premier temps, je dépasse mon lièvre qui m'a tiré durant toute l'ascension et poursuit en déroulant.

Il reste à peine plus de 3 km lorsque tout bascule une nouvelle fois. Je n'en crois pas mes yeux, j'y regarde à deux fois... mais oui, je ne rêve pas... c'est bien lui ! Andréa et son maillot bleu sont bel et bien là quelques dizaines de mètres devant moi !

Je temporise quelques instants, reprend mon souffle et déroule légèrement, sans faire d'efforts. Et presque sans le vouloir, me voilà très rapidement juste derrière lui !

J'en mets un tout petit coup, le dépasse, attends une éventuelle réaction de sa part.... mais rien du tout !

Je poursuis l'effort vers la dernière butte à gravir, sans me retourner, en donnant le maximum pour creuser l'écart. Ce n'est qu'en haut de la butte que je m'autorise un petit coup d'oeil en arrière....

Et là rien à l'horizon !! Il n'a pas réussi à suivre mon rythme, je ne le vois même pas en bas de la côte !

Un final de rêve

C'est certain maintenant, il ne peut plus rien m'arriver ! Je n'en reviens pas, mais je suis Champion d'Europe pour la seconde année consécutive !!

Malgré tout, je garde mon sang froid, reste cette dernière descente caillouteuse à négocier sans faire d'erreur, puis un dernier kilomètre, une dernière petite butte à gravir avant d'entrer dans le village en vainqueur.

Je savoure ces instants d'autant plus magiques que je ne les espéraient plus depuis longtemps ! Le rêve devient réalité, j'ai du mal à y croire !

L'entrée dans le village est un moment exceptionnel, une émotion incroyable m'envahit et le passage de la ligne un pur moment de bonheur !

C'est pour vivre ce genre d'émotions que je m'entraine si durement tout au long de l'année. tous ces efforts consentis qui portent leurs fruits, je n'ai pas de mots pour exprimer tous ces ressentis !

Une seconde boucle exceptionnelle

La seconde boucle fut exceptionnelle, je suis parvenu à la courir plus vite que la première, aucun autre coureur, y compris les premiers au scratch, ne sont parvenus à réaliser une telle perf !

Cela est le fruit d'une préparation spécifique payante et qui me permet de ne rien perdre en performance au fil des heures. Mais c'est également dû à cette incroyable force mentale qui me permettent de pousser mon corps dans ces ultimes retranchements lorsque cela est nécessaire.

 

Alors que je n'étais pas mentalement dedans avant la course, que ma première partie de course fût bien terne, que j'ai subit au point de me demander si je n'allais pas en rester là à mi-course. J'ai trouvé cette force incroyable tout au plus profond de moi pour inverser la tendance, passer en mode warrior et remonter tout le peloton jusqu'à la victoire finale !

Mais tout ceci ne serait rien sans le soutien moral et logistique de mon équipe de choc, merci infiniment à Péline et Lancelot qui m'ont soutenus tout au long de cette course complètement folle, et sans qui je n'aurais probablement pas trouvé la force de réaliser un tel exploit !

 


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