Nuit du 6 au 7 décembre 2014 – entre Saint-Etienne et Lyon
Après la pluie en 2011, la neige en 2012, le verglas en 2013, qu’allait donc nous réserver cette 61ème édition de la Saintélyon ? En regardant la météo une dizaine de jours avant l’épreuve nous pouvions espérer des conditions sèches et clémentes… mais les fortes précipitations qui ont eue lieue durant toute la semaine précédent la course allaient contredire ces prévisions.
Si la température elle restera plutôt clémente, légèrement au dessus de 0 au départ, et si nous serons épargnés par la pluie durant la course, les sols, imbibés d’eau se révélèrent bien gras et boueux à souhait ! Mais qui s’en plaindra vraiment ? La Saintélyon ne serait pas ce qu’elle est sans ces conditions un peu difficiles qui en font tout le charme.
Le récit de la 61ème Saintélyon :
Revenons à la course proprement dite. C’est avec une envie de revanche par rapport à une édition 2013 qui fût très éprouvante pour moi, plus mentalement que physiquement que j’abordais cette 61ème Saintélyon (ma 4ème).
Si j’avais mis toutes les chances de mon côté en faisant l’impasse sur le Sparnatrail en novembre, pour mieux me préparer à l’événement, c’était sans compter sur mes tendons douloureux qui me contraignirent à quasiment 2 semaines d’arrêt complet à la mi-octobre. C’est donc avec une préparation plus ou moins contrariée que je me présentais ce samedi soir sur la ligne de départ.
Un grand saut dans l’inconnu m’attendais donc à minuit pile, mais malgré tout et quoi qu’il puisse arriver, j’étais très fermement décidé à ne rien lâcher, à tout donner et à aller au bout de moi même, pour me faire oublier les désillusions et frustrations de la précédente édition. Je ne pourrais me faire une idée précise de mes possibilités du jour que lorsque nous atteindrons la première grande côte qui sera pour moi un premier juge de paix !
Le départ est donné dans une ambiance de folie, et bien que je m’étais conditionné à prendre un départ prudent, je ne peux faire autrement que de me laisser emporter par la foule. Je boucle les deux premiers kilomètres à plus de 15 km/h avant de commencer à ralentir pour me rapprocher d’un rythme plus raisonnable aux alentours de 13-13,5 km/h car ensuite il va falloir gérer la première grosse montée qui pointera le bout de son nez aux alentours du 7ème km.
J’ai mal au jambes et les tendons sont raides, cette partie de bitume interminable me casse les pattes, je suis impatient de rejoindre les sentiers en espérant que ce changement de surface calmera mes douleurs. Mais pas le temps de s’apitoyer sur mon sort, j’attends le 7ème km et le début de la côte. Maintenant, c’est mon dos qui me fait souffrir, je ralentis, essaye de trouver mon rythme de croisière et je m’enferme dans ma bulle.
Force est de constater que je ne grimpe pas bien vite aujourd’hui (enfin comme d’habitude) et qu’il va une nouvelle fois falloir que je fasse avec. Inutile de forcer, la route est encore très longue ! Je me résous donc à monter à ma main, oubliant ces dizaines de coureurs, plus forts ou plus fous, qui me dépassent de tous les côtés. Il n’est pas question de se laisser démoraliser pour si peu, après tout, je ne suis pas si loin du tempo prévu et je suis quasiment dans mon plan de marche prévisionnel.
Un peu avant le dixième kilomètre nous abordons enfin les chemins qui, malgré les nombreuses flaques et une boue presque omniprésente, me permettront de soulager un peu mes douleurs et de retrouver quelques sensations. La pente est un peu moins raide et nous offre quelques moments de répit qui me permettent de relancer, un peu, la machine. Les kilomètres défilent sans que je m’en rende compte.
Mais je sais désormais que si je veux réaliser une bonne performance il me faudra accepter de perdre un peu (voir beaucoup) de terrain dans les côtes, et passer outre la frustration de se faire dépasser par de nombreux coureurs. Je dois concentrer mes efforts sur les parties planes ou descendantes dans lesquelles je pourrais compenser, du moins en partie, mes lacunes en côtes. Il va falloir être patient et tirer le meilleur parti de mes forces tout en ménageant mes faiblesses…
Au 16ème km à Saint Christo, je passe comme prévu le premier ravitaillement sans même le regarder, je ne referai le plein qu’au prochain arrêt. Une côte assez courte mais raide que je négocie en marchant, sans forcer qui précède un petit moment de répit avant d’attaquer la partie finale de l’ascension vers le point culminant de l’épreuve.
Je fais de mon mieux, le sol est très glissant, rendant ma progression encore un peu plus compliquée. Je perds du temps par rapport à mes prévisions, mais je ne peux rien y faire, au risque de me griller inutilement. Je prends mon mal en patience et attend de basculer du bon côté de la pente pour entamer la première partie de la descente. C’est avec soulagement que j’atteins ce point aux environ du 21ème km.
En effet, c’est à partir de ce point que ma course commence réellement. Je vais pouvoir lâcher un peu les chevaux dans cette longue portion à dominante descendante qui me permettra de rejoindre Sainte Catherine. Malgré des chemins souvent très glissants je descend avec assurance, je m’autorise quelques prises de risques afin de partir à la reconquête du temps perdu. Je reprends de nombreuses positions, ce qui est bon pour le moral et me fais oublier, un peu, que je n’ai pas les meilleures jambes !!
A Sainte Catherine, j’apprends que je n’ai qu’un peu plus d’une minute de retard sur Maud Gobert et environ 4 minutes sur la première. Je n’ai aucune idée de mon classement, mais cela m’indique quand même que je ne dois pas être trop loin. Même si cela n’est que symbolique et sans réelle signification, je m’accrocherai à cette idée pour continuer à me battre pendant la suite de la course.
Au ravitaillement, une bénévole m’aide à remplir mes bouteilles pendant que je prends un morceau de fromage et un petit bout de banane. Un arrêt éclair, moins d’une minute à mon avis, et c’est reparti de plus belle.
Désormais le parcours est une alternance de montées, assez raides parfois, que j’aborde à la vitesse de l’escargot et de descentes rapides, tantôt boueuses et ravinées, tantôt caillouteuses durant lesquelles je rattrape le temps perdu en côte. Au bout de quelques kilomètres je rattrape les deux premières féminines, fais quelques centaines de mètres derrières elles puis les dépasse dans une descente un peu délicate.
Sans jamais savoir l’écart qui me sépare d’elles, je me donnerai comme motivation de ne pas me faire rattraper par ces gentes damoiselles… il faut bien se motiver comme on peut !! J’atteins alors le bois d’Arfeuille que nous abordons dans le sens de la descente, rapide mais rendue délicate par la pluie, je l’avale à toute vitesse… avant de me retrouver quasiment à l’arrêt dans la terrible montée qui suit… quasiment un kilomètre complet en marchant pour remonter cette pente qui n’en fini pas ! Et comme à l’habitude, je me fais déposer par une multitude de coureurs bien plus véloces que moi dans cette côte.
Une fois en haut de cette grosse bute, il me faudra quelques minutes pour reprendre mon rythme normal dans la descente suivante. Cette côte aura laissé quelques traces sur les organismes déjà bien fatigués. Mais je sais que j’ai maintenant fais le plus difficile, il me reste 2 ou 3 grosses côtes… et plein de petites !!
Si je parviens toujours à maintenir ma cadence dans les portions descendantes, les côtes se font de plus en plus difficile, je manque de puissance et le plus souvent je suis contraint de marcher dès lors que les chemins s’élèvent un peu. Malgré tout, l’hémorragie se fait de moins en moins grande et il y a de moins en moins de coureurs qui me dépassent en montée, tandis que dans les descentes je poursuis ma remontée…
Difficile de rester concentré dans ces circonstances mais je le sais, je peux toujours réussir une belle perf à condition de garder le moral et de poursuivre dans cette stratégie un peu improvisée : ménager à tout prix la monture dans les côtes et tout donner dans les descentes ! Alors que je n’ai pas la moindre idée de mon classement, régulièrement je rattrape des ‘petits’ dossards, ce qui me conforte dans l’idée que je dois être en bonne position.
Pour me motiver, je m’accroche à l’idée de ne pas me faire reprendre par la première féminine, cela me donne la force de relancer la machine en haut des côtes et d’oublier la fatigue et les douleurs.
Cette alternance de montées et descentes me fait oublier les kilomètres et le temps qui passe. Comme prévu je passe sans m’arrêter au 4ème ravitaillement avant de profiter d’une nouvelle portion descendante pour reprendre mon rythme et, au passage, quelques coureurs.
Le terrain est toujours aussi boueux mais l’humidité et le froid ne semblent pas avoir d’emprise sur moi, je poursuis ma progression telle une machine dont le seul but est d’atteindre l’arrivée. Par moment, sur les hauteurs, nous profitons d’une vue magnifique sur les lumières des villages, qui nous fait, pour un instant, oublier la course.
Passé le 60ème km je sais qu’il me reste encore une grande et terrible côte à affronter, mais je sais également que cela sera la dernière, cela me redonne également un peu de courage et de forces, plus besoin de m’économiser je peux commencer à envisager de donner tout de qu’il me reste avant d’aborder le sprint final.
Bien évidemment cette dernière côte sera montée en marchant, mais contrairement aux précédentes j’adopte un pas plus alerte et parviens même à rattraper un coureur. A partir de là plus personne ne me rattrapera. Moins difficile qu’à l’accoutumée, car tronquée dans sa partie supérieure, elle conduira, comme l’an dernier vers une toute dernière montée après un passage inédit par un magnifique parc forestier.
J’entame alors la descente vers le centre de Lyon, malgré en oubliant la fatigue je prend en point de mire des coureurs que j’aperçois au loin devant moi, il me reste encore environ 4 km à parcourir mais au fil du temps mes jambes se sentent de mieux en mieux et me permettent d’accélérer.
J’atteins alors la descente des escaliers qui mènent sur les berges de la Saône, je me sens pousser des ailes, j’envisage même, l’espace d’un instant, de descendre les marches deux par deux, avant de me raviser, par sagesse… avec près de 70km dans les pattes mieux vaudrait éviter les risques inutiles, la foulée n’est plus aussi sûre qu’en début de course.
Arrive maintenant le secteur que je crains le plus, les 3 derniers km qui d’habitude me sont si pénibles et me coûtent plusieurs places ! C’est alors que je rattrape un coureur qui m’avait dépassé quelques km plus tôt, j’accélère un peu pour lui ôter toute envie de me suivre et, à ma grande surprise, je parviens à conserver ce rythme, même à accélérer. Plus j’avance et plus je vais vite.
Sur la passerelle qui doit nous faire traverser le Rhône, j’aperçois un groupe de coureurs quelques dizaines de mètres devant moi, je les prend en chasse et reviens rapidement sur eux. Il s’agit principalement de relayeurs qui se mettent également à accélérer. Mes jambes ont retrouvé toute leur vigueur, je me décide alors à leur emboîter le pas ! Profitant de cet élan, je rattrape 2 autres coureurs du Solo.
Je termine le dernier km à plus de 14 km/h et dans la dernière ligne droite aperçois un dernier coureur solo que je m’empresse de rattraper et de déposer pour terminer sur une pointe à plus de 15 km/h ! Jamais je n’avais réussi une telle fin de course sur la Saintélyon !! De quoi être satisfait de ma gestion de course, même si mon incapacité à grimper pourrais me laisser quelques regrets…. et qui surtout me permet d’effacer les frustrations et désillusions de l’année dernière !
Me voilà arrivé ! J’en termine en 6h47’53” à la 53ème place, sur environ 6000 partants !! Mon meilleur résultat sur la Saintélyon à ce jour, et cerise sur le gâteau, je termine une petite minute devant Maud Gobert, première féminine et vainqueur pour la 4ème fois !!!
Excellente performance donc sur une course où le niveau est toujours très relevé et qui fût plus roulante (sans doute un peu trop pour moi) que les années précédentes, malgré un dénivelé positif de près de 1800m !
Tous les résultats de la Saintélyon 2014 :
Résultats Saintélyon 2014