Raid du Golfe du Morbihan 2014 – 87 kms
Samedi 28 juin 2014 – Port Crouesty – 9h30
Que de chemin parcouru depuis ce samedi soir de juin 2007 où, pour la première fois, j’osais me lancer dans cette grande aventure qu’est le Raid du Morbihan… Que de souvenirs, d’émotions, de joies, de peines durant toutes ces années.
Ce soir là, pour ma première participation, je finissais à une encourageante 62ème place en 10h23′, ce qui à l’époque était mon meilleur résultat en course à pieds ! Je m’étais alors promis qu’un jour je parviendrai à monter sur le podium de cette course devenue mythique à mes yeux.
L’année dernière en terminant 8ème au scratch et 3ème vétéran, je parvenais à toucher ce rêve du doigt. Je m’étais alors promis de faire encore mieux pour cette 10ème édition. C’est donc avec de grosses ambitions que j’abordais ce raid du Morbihan.
Un plateau de haut niveau
Avec en tête d’affiche rien moins que notre champion du monde Erik Clavery et Prosper RANDRIASOALAZA (vainqueur de la 6666) la tâche s’annonçait hardue, d’autant qu’avec quasiment 1200 inscrits les prétendants au podium étaient nombreux. En regardant la liste des favoris, je ne peux que revoir mes ambitions à la baisse et au mieux viser une 5ème place finale.
En 2007, la course était remportée par Stéphane Auvigne en 7h51’14”, sur le même tracé que cette année (dans l’autre sens, et dans des conditions climatiques similaires) devant un certain Frédéric Keryjaouen en 7h52′. Cette année Erik Clavery l’emporte en 6h45’… et le même Frédéric Keryjaouen terminera seulement 10ème… en 7h58′ !
L’année dernière, nous étions seulement 64 sous la barre des 10 heures, pratiquement 150 cette année. Certes cette partie du parcours est plus roulante que celle empruntée durant les 4 dernières éditions, mais en contrepartie, elle était légèrement plus courte d’environ 3 kms… cela s’équilibre donc.
Quelle progression depuis le temps ! d’années en années, le niveau est de plus en plus relevé et les places de plus en plus chères.
Le récit de mon Raid du Morbihan :
C’est avec une préparation courte (3 semaines) mais bien menée que j’aborde cette course, relativement confiant. Ma seule crainte concerne la météo, mais de ce côté je vais être particulièrement gâté. En effet, toujours en délicatesse avec la chaleur, cette pluie qui s’annonce pour une bonne partie de la journée est quasiment pour moi une bénédiction des dieux ! Je suis probablement l’un des seuls à me réjouir de ces conditions, mais je sais que cela devrait me permette de tenir la distance sans trop de problèmes.
C’est donc sous une pluie fine que le départ va être donnée de Port Crouesty ce samedi à 9h30. Malgré la pluie, la température est douce, il n’y a quasiment pas de vent. Je décide donc de partir en t-shirt, sans coupe vent, pour rester au frais. Dès les premiers mètres, les 2 grands favoris prennent le commandement,… et rapidement le large ! Suivis par une étonnante jeune fille malgache qui, chose rare, s’est élancée pieds-nus !
Quelques mètres derrière, je me trouve en 5ème position et boucle le premier kilomètre en 4’08″… bien plus vite que mon plan de route. Je décide alors de ralentir le tempo et de me rapprocher du rythme prévu (aux alentours de 4’45” au km). Je n’hésite pas à marcher dans les escaliers ou dans les rares montées, je laisse aussi filer les autres concurrents. C’est ainsi que je me retrouve aux alentours de la 22-23ème place et boucle les 10 premiers kms en 47’30”.
La pluie est toujours présente, et les chemins se gorgent d’eau, je crains que mes pieds ne souffrent, mais ils supportent bien l’outrage (je n’aurai pas la moindre ampoule à l’arrivée !). Petit à petit je reviens progressivement sur les imprudents partis trop vite, c’est ainsi qu’aux environs du 15ème km je reviens 16ème ou 17ème.
L’instant où tout bascule
Peu avant le premier ravitaillement de Porh Nézé, je ne vois pas une balise (absente, masquée, ou distraction de ma part ?…) et poursuis le long du chemin côtier alors qu’il fallait bifurquer sur la droite. Le concurrent derrière moi tente de me prévenir, mais persuadé d’être sur la bonne route, je n’en tiens pas compte, d’autant que je rejoins rapidement quelques coureurs du grand raid qui ont fait la même erreur que moi. Je poursuis ainsi ma route, persuadé d’être dans la bonne direction, mais ne voyant plus de balises, le doute s’installe.
J’hésite quelques instants entre faire demi-tour et poursuivre… je décide de poursuivre, et par chance au bout de quelques centaines de mètres je rejoins le parcours. Mais le mal est fait, j’ai manqué le point de ravitaillement, je n’ai alors d’autre choix que de faire demi-tour et remonter le chemin en sens inverse, croisant ainsi de nombreux concurrents…qu’il me faudra ensuite rattraper !
Et comme si cela ne suffisait pas, la pluie se fait de plus en plus intense. Je passe le point de contrôle, me ravitaille rapidement, et reprend ma route, dans le bon sens cette fois ! J’estime alors le temps perdu à environ une dizaine de minutes (au bout du compte cela fera exactement 9 minutes).
Une autre course commence
Même si la course est encore longue, je peux d’ores et déjà faire une croix sur mes ambitions. Néanmoins, je refuse d’admettre l’éventualité de la défaite. Ma course prend alors une toute autre tournure, je ne peux plus me contenter de suivre mon plan de marche. Si je veux tenter de rattraper le temps perdu, je n’ai d’autres choix que de prendre des risques.
Au risque de me cramer, je repars sur un rythme plus soutenu et passé les quelques minutes nécessaires à me remettre dans la course et à laisser derrière moi ma déception, je me lance dans une folle remontée.
Pointé 48ème à Porh Nézé, je n’ai d’autre choix que de me lancer dans une grande course poursuite contre le temps et les autres concurrents.
C’est animé d’une rage et d’une nouvelle détermination que j’aborde la suite des événements, je ne le saurai sans doute jamais, mais il est fort probable que cet incident me sera finalement bénéfique et m’aura donné le surcroît de volonté nécessaire pour me dépasser.
J’ai l’impression de revenir 20 ans en arrière, à l’époque ou je courrais en karting, je n’étais jamais aussi fort que dans l’adversité et lorsque, partant dernier, je devais remonter tout un peloton pour m’imposer.
A la recherche du temps perdu…
Avec cet bévue, ma course a pris une toute autre physionomie et même si je fais de mon mieux pour ne pas m’emballer, je cours sur un rythme bien supérieur à ce que j’avais planifié au début. Est-ce la poussée d’adrénaline engendrée par cette mésaventure, ou bien la pression du résultat qui s’est envolée…? mais la fatigue n’a plus d’emprise sur moi, je me surprend par moment à tourner dans le même rythme qu’en début de course, sans pour autant avoir l’impression de forcer.
De gestionnaire que j’étais en début de course, j’endosse alors le rôle de chasseur. Jusqu’à l’arrivée, je ne ferai que rattraper du monde, aucun concurrent ne me doublera de toute la course.
Un à un je rattrape les coureurs qui me précèdent, parfois je rattrape des petits groupes, parfois je reste de longues minutes sans voir personne hormis quelques coureurs du 177.
La pluie, toujours présente, commence à se faire plus fine, comme si l’orage était passé. Arrivé à Sarzeau, je pointe au 26ème rang. J’ai déjà repris 22 places. Un arrêt éclair, juste pour refaire le plein et je repars de plus belle.
Entre Sarzeau et l’arrivée, seuls Erik Clavery et Mickael Hemon seront plus rapides que moi, reprenant au minimum 7 minutes au plus rapide des autres ! En 57 kms je ne laisserai que 23′ à Mr Clavery… excusez du peu !
Toujours dans un rythme proche des 12 km/h de moyenne, je franchirai la barre du marathon en 3h31′ et poursuis ma remontée. Je suis moi-même surpris de l’aisance avec laquelle je rattrape et dépose aussi vite les autres coureurs qui eux semblent commencer à souffrir un peu. Pour me distraire, j’essaie de profiter des magnifiques vues sur les marais, sur le golfe que nous offrent par moment les sentiers traversés.
Après un petit passage présentant quelques racines puis un autre un peu marécageux, nous quittons, provisoirement, les berges pour nous diriger un peu plus vers l’intérieur des terres en direction de Noyalo. Cette partie du parcours est beaucoup moins féérique que les chemins côtiers, ils sont aussi nettement moins techniques et très roulant. Cela me permet de relâcher un peu la vigilance et aussi de faire quelques pointes de vitesse à 13 km/h !
Ma remontée se poursuit, je pointe au 11ème rang à Noyalo, bientôt les portes du top 10 ! Arrivé juste derrière 2 coureurs, je repars devant eux après un ravitaillement éclair. Nous en sommes à environ 4h30 de course et il reste 36 kms à parcourir. Un bref calcul me dit qu’en terminant à 10 km/h je rentrerai en moins de 8 heures !
Mais serais-je capable de tenir ce rythme jusqu’au bout ? Ne vais-je pas avoir un coup de pompe et finir, comme souvent, au ralenti ? La pluie a cessé et même si le soleil est toujours caché derrière les nuages, je commence à ressentir quelque peu de chaleur.
Il me faut alors gérer mon hydratation et alimentation au mieux pour éviter l’écoeurement qui me serait sans doute fatal. Je ne bois plus que par toutes petites gorgées et m’asperge régulièrement d’eau pour ne pas trop monter en température. Je suis encore du bon côté de la barrière, mais je sais que la moindre erreur pourrait tout faire basculer.
Malgré tout, à ma grande surprise, je maintiens toujours un rythme élevé, et tourne régulièrement aux alentours de 5’15 au km, parfois je vais un peu plus vite, et parfois un peu moins lorsqu’il y a une petite montée… Dans tous les cas, je suis nettement au dessus du minimum nécessaire pour rentrer en moins de 8 heures.
Tout doucement, je commence à y croire, d’autant que je rattrape un nouveau coureur, à qui je propose de m’emboîter le pas, mais qui, pris par la fatigue, décline mon invitation.
Tout ce qui est prit n’est plus à prendre… tant que cela ne m’oblige pas à forcer, je maintiens une allure constante, toujours entre 5’15 et 5’30 au km, cela me permet de conforter mon avance sur cette barrière symbolique des 8 heures.
Séné, Stade du Derf, dernier point de ravitaillement, et me voilà donc 8ème. Je me dis alors que la perf de l’an passée est égalée et ce malgré mes péripéties, je suis prêt à m’en contenter et focalise toute mon attention sur mon rythme. Je suis alors persuadé que les précédents sont loin devant, mais quelques kilomètres plus loin, un signaleur m’informe que le coureur qui me précède est à peine 2-3 minutes devant et qu’il n’est pas au mieux.
Mon instinct de chasseur reprend alors le dessus et je pousse la bête dans ses derniers retranchements, il reste environ 12 kms lorsque je passe à Port Anna, où la vue est grandiose.
Les chemins sont désormais beaucoup plus larges, ne présentent aucune difficultés, hormis les quelques bosses et la longueur des lignes droites qui semblent interminables. Je poursuis mon effort et fini par rattraper le coureur qui me précédait, en quelques centaines de mètres, je le dépose littéralement. Mais pas le temps de m’endormir sur mes lauriers car à peine plus loin un autre signaleur m’indique une nouvelle proie.
Il ne reste alors que 6 kilomètres, il ne va donc pas falloir traîner pour le rattraper. Je lance mes dernières forces dans la bataille, je me faufile temps bien que mal entre les nombreux marcheurs nordiques qui inondent le parcours.
Je viens de boucler mon deuxième marathon de la journée… en 3h47 environ !
Alors que je devrais compter les kilomètres qui passent comme l’approche de la libération, c’est tout le contraire, car malgré tous mes efforts les kilomètres passent inexorablement et je n’ai toujours pas de visuel sur ma proie.
Nous approchons des 3 derniers kilomètres lorsque je l’aperçois enfin. Il doit avoir environ 200 mètres d’avance. Vais-je parvenir à revenir à temps ? Lui aussi bataille avec les très (trop) nombreux randonneurs qui sont sur le chemin. Moi aussi je dois me frayer un chemin au milieu de cette nuée de randonneurs et de bâtons, au risque même de me retrouver dans l’eau !
Je fais la jonction à environ 1800 mètres de l’arrivée, dans un bref échange, il m’indique qu’il est cuit, qu’il n’a plus d’eau depuis de nombreux kilomètres. Info ou intox ? Je préfère ne pas prendre de risque et relance une nouvelle fois l’allure alors que nous abordons les quais. Un bref coup d’oeil pour constater qu’effectivement il ne suit pas, mais je ne relâche pas la pression pour autant et file à pratiquement 12km/h sur ce quai, annonciateur de la libération !
Mission accomplie
Au niveau de la passerelle, il ne reste plus que 500 mètres, j’en remet une dernière couche, dès fois que dans le flot de coureurs et de marcheurs qui se trouvent devant moi il y ait encore une petite place à gratter !
Je franchi finalement la ligne en 7h50’16” en 6ème position au scratch et 4ème vétéran ! Malgré tout, je nourris quelques regrets, car le 5ème est à peine 3 minutes devant moi et le 4ème 6 minutes… Qu’en aurait-il été sans mon erreur de parcours qui me coûte 9 minutes ?
Néanmoins, je peux être fier de moi, fier d’avoir franchi cette barrière à laquelle j’osais à peine rêver, fier d’avoir probablement réalisé aujourd’hui la meilleure course de ma modeste carrière. Je gagne plus d’une heure par rapport à l’année dernière ainsi que 2 places de mieux au scratch, ce qui est d’autant plus méritoire que l’épreuve comptait 30% de concurrents supplémentaires par rapport à l’an dernier.
Ma performance du jour est d’autant plus symbolique pour moi qu’en remontant 7 ans en arrière et ma première participation au raid, avec le chrono que j’ai réalisé aujourd’hui, j’aurais tout simplement remporté la course ! Et même si cette comparaison n’est bien sûr pas significative, j’ai quand même le sentiment d’avoir accompli, du moins partiellement, le rêve fou que je m’étais donné en 2007.
A moi de continuer à travailler et progresser pour me rapprocher encore un peu plus de ce rêve totalement fou….
Les résultats du Raid du Morbihan 2014 :
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