Ecotrail Paris 2014 : Explosion en plein vol…
Récit de mon éco-trail de Paris 2014 – 29/03/2014
Bien qu’ayant rencontré beaucoup de soucis durant ma préparation hivernale, j’étais plutôt confiant avant d’aborder cet écotrail de Paris 2014. Tout d’abord parce que mes divers petits problèmes de santé étaient derrière moi, puis parce que, même si elle n’a duré qu’une dizaine de jours, ma préparation spécifique s’était bien passée avec de bonnes sensations.
J’avais néanmoins une incertitude sur ma capacité à tenir le rythme jusqu’au bout, mais sans pour autant être plus inquiet que cela, après tout je devrais être en mesure de gérer ma fin de course lorsque la fatigue se fera sentir.
Contrairement à l’année passée, les conditions météo au départ, en cette fin de matinée de samedi, semblaient idéales. Il faisait doux et un petit voile nuageux nous protégeait du soleil. C’est donc sans hésitations que je laissais au vestiaire coupe-vent et autres manchons pour partir l’esprit (et le sac !) léger.
Le récit de ma course :
A midi précises (enfin presque !) le départ est donné de la base de loisirs de Saint-Quentin en Yvelines, c’est parti pour environ 77kms de course ! Les 20 premiers kilomètres de course ne présentent guère de difficultés et les 10 premiers sont, à quelques détails près, absolument plats !
Bien qu’ayant le sentiment d’avoir démarré au ralenti, je boucle le premier km en 4’10″… soit plus de 14 km/h. Bien que levant le pied, les kilomètres suivants défilent aux alentours de 4’15” – 4’20” au km… soit à peine en dessous des 14 à l’heure. Toujours aussi facile, c’est très certainement le résultat de mon travail à ces allures pendant l’hiver qui porte ses fruits.
Je passerai aux 10 kms en 43’50” et maintiendrai une moyenne de 13,5 km/h pendant la première heure de course. Je suis un tout petit peu plus vite que mes prévisions, mais comme je n’ai pas du tout l’impression de forcer, cela ne m’inquiète pas.
C’est à compter du 13ème kilomètre que nous abordons les premières petites bosses, pas bien méchantes pour le moment, je prend néanmoins comme stratégie de les passer en douceur, je laisse alors filer Christophe avec qui j’ai fait quelques kilomètres, l’occasion de faire connaissance et d’apprendre que je le retrouverai très prochainement sur le Trail Yonne. Je laisse également filer quelque peu la première féminine qui naviguait depuis les premiers kilomètres à une centaine de mètres devant moi.
Je sais que la course est encore longue, il est important de se préserver pour en avoir encore sous le coude pour la fin de course.
Je continue à dérouler ainsi jusqu’au premier ravitaillement à Buc, juste le temps de remplir ma bouteille et de prendre un morceau de banane et ça repart. Je sais que juste après l’une des plus grosses montées nous attend et qu’il va falloir s’économiser. En effet nous entrons après ce ravito dans la partie la plus accidentée du parcours avec une succession de petites côtes, parfois assez raides qui vont nous emmener jusqu’au marathon.
A ce moment là, je ne souffre pas encore de la chaleur, je parviens toujours à m’alimenter plus ou moins correctement, même si je ne peux abuser des choses sucrées car je sens que la saturation n’est pas bien loin. Malgré tout, je me sens bien, je reste très prudent à l’abord des côtes pour ne pas m’user prématurément. Je perds un petit peu de temps par rapport à ma feuille de route, mais c’est insignifiant, je suis toujours quasiment dans le bon rythme. Si cela continue ainsi, je perdrais tout au plus une poignée de minutes par rapport à ma simulation.
De temps à autres, j’aperçois au loin la première féminine, qui à ce moment de la course me sert de point de repère. Je navigue à un peu plus de deux minutes derrière elle, mais l’écart ne grandit pas et à même tendance à se réduire quelques peu.
Les derniers kilomètres qui mènent vers l’observatoire de Meudon sont une succession de côtes qui usent les organismes, je monte de moins en moins vite, marchant dès que la pente s’élève. Nous entrons dans un petit vignoble à l’entrée du parc de l’observatoire avant une montée d’escaliers qui fait bien mal aux jambes juste avant le ravitaillement.
Je remplis ma bouteille, prend un ou deux morceaux de banane et repars tranquillement en marchant sur quelques mètres avant d’aborder une nouvelle portion montante. A ce moment, je reprends un peu espoir, la première fille n’est plus qu’une cinquantaine de mètres devant moi, et tout doucement je reviens sur elle. Cette motivation soudaine me fait, provisoirement, oublier mon état de fatigue.
Un peu plus loin, je la rattrape, la dépasse et me dis que finalement je ne dois pas être si mal placé que cela. Mais mon enthousiasme ne durera guère et, dans la montée suivante, elle reprend le dessus et me dépose quasiment sur place. Je n’avance plus, les effets de la déshydratation se font plus présent.
Malgré tout, je rattrape 2 ou 3 concurrents, en perdition, encore plus épuisés que moi. Tout est encore possible pour bien figurer au classement, je m’accroche tant que je peux, même si mon rythme est maintenant aux alentours des 10 km/h sur le plat et au ralenti dans les côtes.
Dans cet état, je parviendrais tant bien que mal jusqu’au 3ème point de ravitaillement. Je ne m’attarde guère plus et repars tel une machine, sans réfléchir. Je serai stoppé net environ 2 km plus loin. Mon estomac n’en peut plus et se tort de douleurs pour essayer de vomir, sans y parvenir. Je m’arrêtes quelques instants, marche pendant 2-3 minutes puis me remets à trottiner. Mais je le sais, pour l’avoir vécu plusieurs fois, c’est terminé, je ne pourrais plus rien avaler jusqu’à l’arrivée, il me faudra donc boucler les 20 derniers km sans boire ni manger. La seule chose que je peux faire, c’est me refroidir un peu en m’aspergeant d’eau régulièrement.
Envolés les espoirs de résultats, envolés les objectifs de chrono. La seule question qui se pose réellement c’est : continuer ou bien arrêter là ?
– Continuer : pour quoi faire, me faire mal, boire le calice jusqu’à la lie, ma foutue fierté, compromettre toutes chances pour le marathon la semaine prochaine ?
– Arrêter : admettre la défaite, être raisonnable, me préserver,…
Je me pose alors la question suivante : tu es tout seul au milieu de nulle part, si tu t’arrêtes au prochain point quand et comment seras-tu rapatrié ? J’en conclus rapidement que le meilleur moyen, et le plus rapide, pour rentrer à la maison, c’est encore de terminer la couse ! Et puis abandonner, c’est vraiment pas dans ma philosophie, cela ne m’est arrivé qu’une seule fois, et pas question de venir grossir les stats des abandons !
Je poursuis donc ma route, à mon rythme, maintenant je ne rattrape plus personne et me fais doubler régulièrement par de nombreux coureurs, je n’essaie même pas de les suivre tant la différence de vitesse est grande, mais à chaque fois, c’est un petit coup de plus au moral.
Pour faire passer le temps et les kilomètres, je m’amuse à estimer mon heure d’arrivée, les 7 heures prévues initialement sont bien loin, dans un premier temps j’essaie de me calquer sur 7h45… puis 8h.
Je passe le dernier ravito sans m’arrêter, à quoi bon de toutes façons je peux rien avaler, et profite de la descente pour relancer un peu, enfin si le terme relancer conviens lorsque l’on court à 9 km/h !
Les derniers kilomètres le long des quais sont à la fois long et pénibles, mais ils signifie que la fin du calvaire est proche. Je poursuis mes comptes d’apothicaire pour savoir combien de temps encore je vais devoir endurer cela, je me déplace à un petit 8 km/h mais malgré tout, j’avance, je franchis les petites îles présentes sur le parcours, perds encore quelques places à chaque petite montée.
J’aperçois enfin le pont de Bir-Hakeim, remonte les quelques marches et bifurque vers la gauche, il ne reste plus qu’un kilomètre et cela sera la délivrance ! Oui mais c’était sans compter sur ces interminables escaliers que nous devons emprunter pour remonter au dessus de la station de métro. J’avoue, j’ai été très tenté de prendre l’escalator plutôt que les marches, mais comme pour m’infliger une dernière punition, je me fais le devoir de prendre l’escalier !
Un véritable escargot, je me traîne, les jambes me font mal, je m’accroche à la rambarde pour essayer de me tirer, mais que c’est difficile !! Une fois en haut, je continue à marcher ou vaciller, je ne sais plus très bien. Je ne me remettrai à courir que dans la descente.
La nuit est tombée, mais les lumières de la ville sont suffisantes pour s’y retrouver, j’arrive dans les jardins du Trocadéro, mais difficile de retrouver son chemin entre badauds et touristes, je me trompe de direction, rappelé par un bénévole je fais demi-tour pour reprendre le bon chemin, et là j’aperçois un dernier coureur qui, profitant de mon erreur, est revenu à ma hauteur.
Mais dans un combat aussi inutile que futile, je me refuse à perdre une place supplémentaire, et c’est en sprint que je remonte le long des bassins et tente de trouver le passage qui mène vers l’arche d’arrivée. Je tiendrais bon jusqu’au bout et grimperait les 3 dernières marches conduisant à la délivrance, à la fin du calvaire.
J’en ai enfin terminé, soulagé, épuisé et pris une nouvelle fois de convulsions, mais alors que je devrais être déçu de ma performance, je me surprend à être content d’être là, d’avoir terminé, d’avoir réussi à surpasser mes difficultés, de m’être dépassé.
Au delà du résultat, c’est avant tout contre soi-même que l’on se bat et si d’un point de vue mathématique, je ne suis guère satisfait de ma 65ème place et de mon chrono de 7h45’16” je peux malgré tout avoir la grande satisfaction d’être allé au bout de moi-même, d’avoir eu la force de me battre jusqu’au bout et de ne pas avoir cédé à la facilité de l’abandon.