Saintélyon 2013, récit de mon aventure
Cette 60ème Saintélyon marque pour moi la fin d’une longue saison, riche en émotions et en performances. 8ème et dernier Opus de ma saison de trails longs, c’est inévitablement avec une sensation particulière que je franchissais la ligne d’arrivée ce dimanche matin, peu avant 7h30.
A événement particulier, traitement particulier, c’est pourquoi je ne vous raconterai pas ma course comme d’habitude, en égrainant les kilomètres en partant du km 0 jusqu’à l’arrivée. Je vais vous raconter mon périple au travers des différents sentiments et émotions qui m’ont accompagnés durant tout ce voyage. L’ordre chronologique ne sera pas forcément respecté, mais cela n’a pas grande importance…
Préparation et concentration
Bien qu’habitué à ce type d’épreuves, et en étant à ma 3ème Saintélyon, je sens au fil des heures qui passent en ce samedi, la tension et la pression qui monte petit à petit. Il faut dire qu’avec un départ à minuit, on a bien le temps de gamberger pendant toute la journée qui s’écoule tout doucement entre repos et préparation du matériel. L’attente est ici particulièrement longue, d’autant qu’il faut se préparer très tôt pour prendre la navette vers Saint-Etienne et attendre encore pendant 2 bonnes heures sur place avant le départ.
Le stress monte d’un cran à Lyon lorsqu’il me faut une bonne demi-heure avant de trouver le bon car, celui qui va à Saint-Etienne. Il y en a partout, c’est très mal indiqué et les gens me baladent à droite et à gauche. Vers 21h je trouve enfin le bon !! et vais pouvoir souffler un peu et me reposer pendant le trajet.
La grogne
Qu’une société gagne de l’argent en organisant une manifestation sportive, n’est pas en soit répréhensible, dès l’instant que la dite société n’oublie pas qu’elle existe et fonctionne avant tout grâce à nous qui lui font confiance en venant participer. Mais en général plus la notoriété augmente, plus les coûts augmentent et plus le niveau de service et d’écoute diminue. C’est surtout sur ce dernier point que je suis insatisfait.
Je n’apprécie pas le manque de communication, l’absence de réponse des organisateurs lorsqu’on leur écrit, et cette impression d’être considéré comme un porte-monnaie à pattes !
77ème l’an dernier, ayant consciencieusement rempli ma demande de dossard préférentiel (mes résultats 2013 sont me semble-t-il à la hauteur de ma demande…) je m’attendais donc à recevoir un dossard préférentiel pour cette édition…
Mais au moment de retirer mon dossard… alors que je m’attends à recevoir le dossard 77, je me vois attribuer le 8604, m’en vais au stand litiges, ou l’on m’explique très gentiment qu’il n’est pas possible de changer quoi que ce soit, et que je n’ai pas du remplir le dossier correctement (le comble !!) Puis de me conseiller de sauter les barrières pour accéder au sas préférentiel, car même pas la possibilité de mettre un tampon ou autre signe distinctif pour valider mon changement de sas… Inutile de m’énerver contre le brave monsieur qui n’y peut visiblement rien, mais je n’en pense pas moins…
Suite de mes péripéties pour trouver un car samedi soir pour aller à Saint-Etienne : une demi-heure à tourner en rond, faute au manque d’informations, il y a des cars partout, mais impossible de trouver le bon !! Et bien sûr personne capable de vous donner le bon renseignement…
Arrivée à Saint-Etienne, bienvenue dans le parc à bestiaux !! 7000 coureurs entassés dans une salle du parc des expos, ça fait beaucoup… difficile dans ces conditions de se préparer et de se concentrer.
Je n’aurai par contre aucun souci pour rejoindre la ligne de départ, m’étant fait avoir l’année précédente, je fais tout l’inverse de ce qui est indiqué et passe par l’autre côté où il n’y a presque personne. Ne me reste plus qu’à passer par dessus la barrière pour me retrouver dans le sas Elite. Je n’aurai pas le plaisir de courir avec un petit dossard, mais au moins je pourrais partir paisiblement.
Pour en terminer avec cette rubrique, je soulignerai l’inutilité, hormis pour la beauté du geste, de mon sprint final (les 100 derniers mètres à 18 km/h, ça pique un peu après plus de 7 h d’effort !!). En effet le jeune homme que j’ai battu au sprint se retrouve finalement classé devant moi !! Fantaisie des organisateurs qui mélangent classement officiel et classement au temps, du coup une place de perdue… (c’est pas pire que l’an dernier où 2 coureurs avaient manifestement grugé (passés en 5h à Sainte Catherine, mais arrivés en moins de 7h… c’est balaise) mais ou bien sûr rien n’a été fait pour corriger le classement !!)
Mais il ne faut pas faire que critiquer, car à l’arrivée, contrairement à l’année dernière, tout est beaucoup plus fluide, les sacs sont sous une grande tente, les bénévoles sont là en nombre suffisant pour gérer l’affaire et cerise sur le gâteau, on dispose d’une grande salle chauffée pour se restaurer, bon certes le repas d’après course n’est pas bien bon, mais c’est chaud, et c’est bien l’essentiel !!
L’ambition
Malgré une saison longue et bien remplie, je me sens bien, et vise un bon résultat pour cette Saintélyon, j’ai mis la barre très haut et vise une arrivée en moins de 7h. Au vu de ma dernière course, le Sparnatrail, cela me semble jouable d’autant que j’ai bien profité de ma dernière semaine avant course pour faire du jus. C’est donc le couteau entre les dents que j’aborde cette course.
La stratégie de course
Pour éviter de se retrouver bloqué dans les bouchons lorsque les chemins deviendront difficiles, il est impératif de partir devant, mais surtout de partir vite. Beaucoup de routiers abordent la Saintélyon comme une épreuve sur route, la plupart craqueront bien avant la fin, et certains dès les premières difficultés, créant alors bien involontairement de forts ralentissements. C’est le problème d’une course où l’on lâche simultanément plus de 6000 coureurs sur des chemins où parfois il n’est pas possible de passer à 2 de front !
La stratégie est donc simple : partir fort dans les 5 premiers kilomètres, ne rien lâcher dans les 5 suivants, puis ensuite récupérer dans les longues montée qui suivent pour se refaire une santé, avant de relancer lorsque les chemins redescendront pour atteindre ensuite son rythme de croisière.
En voilà pour la théorie, dans la pratique cela se complique un peu, cause à des conditions climatiques plus difficiles que je ne le pensais. Si j’arrive à tenir mon plan sans problèmes sur les 10 premiers kilomètres, cela se complique énormément dès l’apparition des premières plaques de verglas.
La peur et les doutes
10ème kilomètre, premières plaques de verglas et premières chutes, ça tombe dans tous les sens, plusieurs coureurs devant moi se retrouvent par terre. Je ne tarderai pas à les rejoindre ! Une ou deux glissades, un grand écart qui met mes adducteurs à rude épreuve, et patatra… je me retrouve comme les autres, sur les fesses ! Avec en prime un doigt retourné, suite à une mauvaise réception sur la main droite.
Je ne m’en laisse pas compter, reprend ma route sans même m’arrêter, mais quelques instants plus tard, seconde chute !! ça me refroidi un peu, 2 chutes en même pas un kilomètre, je trouve que cela fait beaucoup, je cours sur des oeufs. De nombreux coureurs chutent également, dont un qui tombe sur le dos, sa tête heurte le sol violemment, et son camelback explose littéralement… ça jette un froid, mais heureusement ce fût plus impressionnant que grave, le gars se relève immédiatement et ne semble pas blessé, mais sans eau, sa course risque de se compliquer…
Tout cela m’incite à la plus grande prudence, je perds un peu confiance en moi, a chaque fois que j’essaie de relancer l’allure, d’accélérer, je rechute ou bien part dans des figures improbables. Je chuterai encore 2 fois, mais tétanisé, je n’avance plus, me fais doubler de toutes parts…
Des pensées négatives m’envahissent, je commence à me dire que j’ai passé l’âge de ce genre de jeu, moi qui d’ordinaire aime prendre des risques et tutoyer les limites, je ne me reconnais plus ! Néanmoins, je sais qu’après Sainte Catherine cela sera nettement plus praticable, alors je prends mon mal en patience et me dis qu’à défaut d’aller vite, au moins je m’économise….
La souffrance
Si mes chutes ne me laisseront finalement que peu de traces, quelques petits bleus et un doigt un peu gonflé, en revanche je n’en avais pas fini avec les problèmes. Passé l’obstacle des plaques de verglas, je vais réussir à me tordre la cheville droite à quatre reprises, sur des appuis douteux, des pierres instables, et j’en passe… A chaque nouvelle torsion, la douleur se fait plus vive, je sais que je ne vais pas pouvoir continuer comme cela pendant longtemps.
Une nouvelle fois je dois faire preuve de prudence, faire attention à tous mes appuis, en effet, il me reste alors au moins une trentaine de kilomètres à parcourir, et la moindre pierre pourrait m’être fatale. Toute mon attention est portée sur mon pied droit que je ménage, au risque de me faire mal à la cheville gauche.
Dans les parties roulantes, je parviens à oublier la douleur, avec le rythme, les muscles n’ont pas le temps de refroidir et j’avance coûte que coûte. Mais dès que je suis obligé de ralentir dans les montées, la douleur se fait plus présente, rendant parfois les appuis douloureux. Par moment je m’interroge et me demande si je vais vraiment pouvoir aller au bout !!
Je parviendrais à en faire abstraction jusqu’au bout m’offrant même une pointe à 18km/h dans le sprint final !! Mais dès la ligne d’arrivée franchie, la douleur reprendra le dessus, et c’est en boitant que je regagnerai les vestiaires…
L’embellie
Au fur et à mesure que les conditions s’améliorent, je reprends confiance, d’autant plus que je retrouve mes jambes, surtout dans les descentes. En l’absence de verglas, je peux dérouler et dans chaque portion descendante, je remonte sur le peloton, reprend des places et enfin je peux m’exprimer. Je gère dans les côtes, mais cela fait partie de ma stratégie donc tout va bien. Peu après Sainte Catherine, je remonte la 3ème féminine, puis dans la foulée quelques kilomètres plus loin, je rejoins la seconde.
Je suis dans ma bonne période, celle où tout fonctionne bien et où je gagne de nombreuses places.
La lassitude
Dans la terrible montée du bois d’Arfeuille, je prends conscience de mes limites, si mon travail musculaire me permet de tenir la boutique sans problèmes dans les descentes, ce n’est plus le cas dans les côtes, où mon rythme n’a de cesse de ralentir. Je me sens las, fatigué, cuit, et dois me résoudre à marcher dès que la pente se fait un peu raide. Dans chaque portion montante, je me fais remonter par quelques concurrents, mais je ne peux rien y faire.
Je me dis que je suis en train de payer cash tout le travail d’une grosse saison, qu’il est temps que je prenne des vacances, mais malgré tout je m’accroche !
La détermination
Il me faut désormais composer avec mes forces et mes faiblesses, mais heureusement pour moi, il y a désormais plus de descentes que de montées pour rejoindre l’arrivée, malgré tout le moral n’est pas au beau fixe, je vois le temps qui défile, et je dois maintenant être lucide : je ne tiendrai pas mon plan de marche, je dois revoir mon objectif !
Au 3ème ravito, j’apprends que je suis 94ème, je me pensais bien plus loin que cela. Je me dis alors que je peux encore rentrer à Lyon dans le top 100. Je m’accroche à cette idée, compte les coureurs que je dépasse et ceux qui me doublent. Pas question pour moi de sortir du top 100 !
Je m’accroche à cette idée, attaque au maximum dans les descentes, et tente de récupérer dans les côtes en limitant la casse. Concentré sur ce nouvel objectif, j’en oublie les kilomètres qui défilent tout seuls !!
Les derniers kilomètres seront tout aussi difficiles, je reperd sur le plat et dans les côtes toute les places gagnées en descente, mais à ce petit jeu de yoyo je parviens néanmoins à limiter la casse dans la partie finale
L’émotion et la délivrance
Heureusement pour moi la fin de parcours nous épargne une longue portion plate et sans intérêt sur la presqu’île et nous dirige de façon plus directe vers Gerland. Malgré tout, que c’est difficile le long du Rhône ! Je perds une nouvelle place, au profit d’un coureur bien plus rapide que moi, plus que 2 kilomètres, j’entends derrière moi un concurrent qui se rapproche, mais plus question de lâcher maintenant !
Je parviens à maintenir le rythme et à garder une petite avance de quelques mètres sur mon poursuivant, mais alors que j’aperçois le panneau 150m, je l’entend accélérer, et revenir pour tenter de me griller la politesse, dans un ultime effort, je me vois obligé de lancer un sprint, il ne lâchera rien jusqu’à l’entrée dans le palais des Sports, plus que quelques mètres… et c’est la fin, j’ai résisté !
C’est alors, allez savoir pourquoi, que je me trouve pris par une émotion forte, à la limite des larmes, comme cela ne m’arrive que très rarement. Je suis heureux d’en avoir terminé, heureux d’être venu à bout de cette course, heureux d’avoir tenu l’objectif que je m’étais fixé quelques heures plus tôt de terminer dans le top 100 et en moins de 7h30.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais déjà ressenti cette émotion l’année précédente, est-ce le lieu, est-ce l’ambiance, est-ce d’avoir survécu aux nombreuses embûches rencontrée, ou bien est-ce parce que c’est la dernière de l’année ? Je n’en sais rien, mais je profites pleinement de ce moment exceptionnel.
J’ai beau critiquer certains aspects de cette course, il n’en reste pas moins qu’elle me procure toujours un flot d’émotions extraordinaire. C’est pour vivre ces petits moments d’émotions intense que l’on cours pendant des heures et des heures.
Je termine donc ma Saintélyon 2013 en 7h24’58” à la 75ème place, confirmant ainsi mon résultat de l’an passé (77ème). Je ne sais pas encore si je reviendrai l’an prochain, mais dans tous les cas, je garderai un souvenir inoubliable de cette 60ème Saintélyon.
Tous les résultats :
Avant tout je voudrais saluer la fantastique victoire de Benoît Cori qui, à la surprise générale, a dominé tous les favoris, ainsi que la belle et large victoire de Maud Gobert chez les filles.