Rencontre et ITW de Zach Miller
Interview exclusive de Zach Miller après l'UTMB 2016
Parti très fort et longtemps en tête de l'UTMB l'américain Zach Miller du team Nike terminera finalement en 6ème position. Après cet exploit, certes au goût d'inachevé, il s'est confié en exclusivité à Elric notre testeur-reporteur :
Bonjour à vous tous les amis,
Aujourd’hui c’est avec plaisir et une immense fierté que j’ouvre le bal d’une nouvelle rubrique. Celle-ci a pour but de vous faire découvrir certains et certaines des membres de ce que l’on nomme la catégorie Elite. Alors star ou pas on va essayer de toutes les passer au grill et de vous sortir des questions réponses sans tabou et qui seront l’occasion pour vous de découvrir cette infime partie des runners qui fait l’actualité de notre beau sport.
Pour ouvrir le premier chapitre de ce très beau livre, on s’est dit qu’il fallait un gars emblématique, avec du punch… bref un showman !!! pour cela on a décidé de tenter le rêve américain et on a choisi…… ZACH MILLER !!!!
MT : Salut Zach ! Laisse moi tout d’abord te dire que je suis flatté que tu me reçoives ici dans le chalet de la Team Nike seulement 48h après ton UTMB.
ZM : Salut Elric ! ouai c’est cool de pouvoir se poser tranquille et de se voir depuis le temps que l’on se parle. Ici c’est un endroit vraiment bien pour être tranquille et se préparer au mieux avec le staff et les gars.
MT : Si on se place au début de ta pratique de la course à pieds, comment tu te mets à courir ?
ZM : Ecoute sincèrement j’ai toujours bien aimé courir mais clairement je ne me suis jamais imaginé faire ce que je fais aujourd’hui. Je courrais seulement pour maintenir une condition physique correcte pour la pratique du sport que j’aimais le plus : le football.
MT : Ok donc en fait tu es arrivé par hasard à la course à pieds ?
ZM : Non pas par hasard, mais mon but n’était pas de performer dès le début. C’est ensuite que c’est venu avec une pratique devenant de plus en plus rigoureuse. Donc plus tu t’investis en écoutant les conseils des anciens plus tu as envie de réussir et de performer mais clairement il y a une partie qui ne m’a jamais quitté : Le Fun !!
MT : Je me suis renseigné sur toi, plus en détails, et j’ai découvert que la croyance en Dieu anime ta pratique de la course à pieds ? Je dois t’avouer que pour ma part c’est une surprise. Sans entrer dans le côté très personnel de cela, peux-tu nous en dire plus ?
ZM : Pas de problème. Pour moi courir est une grâce de dieu. Chaque jour je le remercie d’avoir placé ce sport sur ma route car il me permet de vivre des choses incroyables et des émotions très fortes. Bien entendu, ma conviction religieuse est très personnelle, mais il est vrai qu’elle est une partie intégrante de ma pratique et que je pense souvent à cette partie de moi sur les ultras. Je pense que cela me donne une force supplémentaire et une chance de développer une force mentale supérieure. J’ai toujours la bible avec moi, et il m’arrive souvent de la lire. Voilà comme l’entraînement, la nutrition et les autres paramètres que nous essayons tous de régler, ceci est une partie importante de moi-même. Je vis dans un refuge dans les montagnes du Colorado, j’accueille des personnes toute l’année et cette diversité en tout point est ultra intéressante.
MT : Permets moi d’enchaîner sur cette vie en refuge. Comment le vis-tu ? As-tu constaté une vague plus importante de visiteurs depuis ton arrivée ?
ZM : Ecoute je suis arrivé à Colorado’s Pikes Peak pour garder une sorte de maison en bois type refuge. Mon job est de porter assistance aux personnes venant se balader par là. En gros, des randonneurs, des grimpeurs, des promeneurs et bien entendu des runners. J’aime bien cette vie qui au final est un peu spartiate, mais qui te permet de voir sans cesse des nouvelles personnes et de pouvoir les aider d’une manière ou d’une autre. Après je ne vais pas te cacher, que cela me permet aussi de beaucoup m’entraîner et de vivre dans un cadre top pour la vie de tous les jours et pour la pratique de notre sport. Il ne faut pas voir le refuge où je suis comme un refuge d’altitude comme il y a dans les montagnes françaises, là c’est plus un refuge dans les bois denses et au pied des Pikes Peak. Après pour répondre à ta question, sincèrement je n’ai pas fait attention à la fréquentation en lien avec ma présence mais je ne crois pas que les gens se déplacent juste pour me voir, car aux USA, c’est un coin prisé et où je rencontre du monde de partout donc c’est plus un Lifestyle pour moi qu’une sorte d’être mis en avant. Comme tout le monde cela reste un travail, mais j’ai beaucoup de chance de faire cela car c’est hyper agréable et cela me laisse d’immenses libertés pour m’entraîner.
MT : Comment trouves-tu Chamonix ?
ZM : (il hésite) Franchement je trouve cela super, il faut avouer que c’est très fréquenté et que la semaine de l’utmb on sent que la population est 100% focus sur le trail et que tout le monde est tourné vers la course à pieds. Mais bon si je dois tourner une critique c’est que tout est construit ici. Il y a clairement des villes partout le long de la montagne. Chez moi dans le Colorado, ce n’est clairement pas la même chose. Il y a quelques maisons et cela est construit par endroit pour regrouper les habitations et les lieux de vies.
MT : Bon alors Zach parlons de la course maintenant ! En préparant ce moment avec toi j’en ai parlé à des amis et je me suis rendu compte qu’il existe finalement deux catégories de personnes quand on parle de toi. La première dira ce mec est fantastique ! Il part comme une balle et il ne lève le pied qu’au bord de l’abandon. La seconde dira que tu ne sais pas gérer une course et que cette stratégie peut paraître stupide car si tu essayais d’avoir une ligne de conduite plus souple en course, tu pourrais gagner plus souvent ! Qu’en penses tu ?
ZM : Oui les gens ont raison, je peux me poser plus sur une course. La travailler tactiquement en amont, mais pour tout te dire cela m’emmerde. Je m’ennuie et si je fais cela. Pour être honnête j’aime partir vite et essayer de lutter pour tenir. Bien entendu la victoire finale est très importante pour tous les compétiteurs mais franchement je cours à la vie à la mort. Donc je me donne à fond, parfois cela me sourit et parfois vraiment pas. En tout cas je sais le sentiment que cela propage, surtout chez les puristes qui parlent beaucoup de gestion et de mon inexpérience. Je veux quand même que l’on se souvienne que c’est mon premier 100 miles et que je fais 6eme alors certes j’étais 1er longtemps mais justement cela est très positif, donc finalement avec le recul je suis très content.Aussi il faut comprendre que bien entendu je pourrais travailler cette partie de moi et je le fais mais tu sais que lorsque tu es dans la course tu es dans ta bulle, et ensuite bien entendu l’expérience que j’ai eu cette année me servira sur d’autres courses et si un jour je reviens à Chamonix.
MT : Beaucoup de personnes disent que sur l’UTMB tu as des portions qui ne servent pas à grand-chose, est ce que honnêtement c’est ton cas ?
ZM : Non, franchement après pour moi la course à pieds comme je te l’ai dit reste une chance inouïe de pouvoir entreprendre des courses comme on le fait et de pouvoir s’entrainer comme on le fait, alors si parfois tu as un passage qui te plaît moins tu penses à autres choses et tu te recentre sur toi et ta course et cela t’aide d’autant plus. Maintenant clairement, il faut relativiser tu cours autour du Mont-Blanc, ce n’est pas rien tout de même. Les passages sont tellement variés que tu peux travailler tous les aspects de notre sport. Tu peux relancer, grimper, descendre etc. Tu sais pour moi c’est dans les descentes que tout a basculé. Elles sont très techniques et très difficiles. Nous n’avons pas l’habitude de cela. Donc c’est un point intéressant pour ma progression. Donc sincèrement, tu as des passages moins techniques et moins funs, mais pas inintéressants, loin de là.
MT : Justement tu nous dis que tu n’as pas l’habitude de voir certaines portions chez toi aux USA. Est-ce que tu expliques par cette raison,la non victoire des runners US sur l’UTMB ?
ZM : Ah oui j’ai beaucoup entendu parler de cela et toi le premier d’ailleurs tu m’en as beaucoup parlé. Je pense que c’est juste que les runners US ne sont pas habitués effectivement à ce type de format et pourtant regarde les gars de notre team se placent sur le podium régulièrement. Il faut que tu saches aussi que beaucoup de très bons coureurs des US ne viennent pas en Europe, et je peux d’ailleurs te dire que ce temps va changer. Quand je regarde des jeunes coureurs qui poussent aux USA je peux te dire que s’ils travaillent ce genre de profil, il n’y a aucune raison de ne pas rentrer chez nous avec la victoire. Sincèrement cette course est très exigeante et comme je te l’ai dit je vis dans le Colorado et tu sais j’ai des dizaines de possibilités de paysages pour m’entraîner donc maintenant que je connais les aspects de ma course qui m’ont donné le moins de satisfactions, il est clair que je vais devoir les travailler. Tu sais, clairement je vais rentrer non, pas déçu. Enfin si. Une partie de moi est fière de ce que j’ai fait, mais une autre se dit qu’il y avait la place et que je ne suis pas loin de le faire. Sur une première expérience je le prends avec beaucoup d’humilité mais je peux te dire que je ne vais pas arrêter de repenser à tout cela. Donc en conclusion, effectivement les US ne gagnent pas l’UTMB….. Pour l’instant.
MT : tu parles de tes « potes » du team NIKE. Là Aussi j’ai parlé avec pas mal de protagonistes du trail, qui sont majoritairement impressionnés par cet aspect de « fratrie » qui existe avec votre Team Nike. C’est si important pour toi ?
ZM : Bon alors tu vois on est ici ensemble, on vit pour la durée de la course ensemble. Bien entendu, nous savons que nous sommes envoyés par Nike pour promouvoir les articles de la marque, mais je crois que le team est ultra-équilibré et on est tous dans le même délire tout en gardant tous notre personnalité. Tu peux le remarquer au niveau de la course (il se marre). Par contre comme je te le disais on est heureux les uns pour les autres, si j’explose et qu’un mec du Team gagne, ok pas de problème. Quand c’est l’inverse tout le monde est content. On vit très bien entre nous, c’est réel, pas un truc monté pour donner une image positive. Tu ne peux pas le faire si ce n’est pas sincère. Donc oui en quelques sortes c’est important pour moi et aujourd’hui j’adore partager tout cela avec eux.
MT : Quand on voit l’intensité que tu es capable de mettre sur une telle course on se demande finalement si tu es sans cesse comme cela et quelle est la semaine type de ZACH MILLER niveau entraînements ?
ZM : Pour tout te dire tu es obligé de travailler la vitesse quand tu aimes courir vite et de mettre de l’intensité, jusque-là je pense que c’est assez logique. Il est vrai que je prépare souvent des courses plus courtes et moins techniques donc je travaille souvent avec des séances rythmées. Vers chez moi il y a beaucoup de courses qui tournent autour des 50miles et donc qui ont une tournure plus rapides on va dire. Ensuite c’est comme je te l’ai dit moins technique donc il existe plus de relances et tu te dois d’aller plus vite. On va donc dire que je dois travailler pour être « punchy » et pousser autant que possible en course. Tu vois on trouve là aussi une explication certainement à ce que tu me disais tout à l’heure sur ce les observateurs appellent le manque de gestion.
Le contenu de mes séances est un peu à l’envie mais le volume lui est constant. En gros si tu veux pour faire simple, quand je vais être sur une préparation d’un 50miles ou un peu plus je vais être sur un entraînement moyen d’environ 3h par jour ce qui te donne une semaine entre 20 et 25h de course. Les petites semaines je fais 15 à 20heures en fonction de mon planning, par contre j’ai des pics de préparation même pour un 50miles ou je vais être durant 3semaines environ plutôt autour des 30 à 40h par semaine.
Pour la préparation de l’Utmb, clairement j’ai plutôt tourné sur cette base de manière fréquente puis lever un peu le pied sur la fin en réduisant légèrement la quantité. Après une fois de plus, je vis dans la montagne et je peux me le permettre ce qui facilite tout de même beaucoup les choses, malgré le fait que je travaille. La seule chose qui m’importe c’est que même à l’entrainement, finalement je me rends compte que je mets toujours beaucoup d’intensité et c’est très plaisant.
Je repars de l’UTMB avec des points à travailler et surtout une grande dose d’apprentissage car tu sais, finalement la course est incroyable car chaque jour elle t’apprend quelque chose, sur toi, ou sur la pratique de celle-ci et c’est pour cela que je trouve ce sport merveilleux.
MT : Dernière question ZACH ! Aurons-nous la chance de te revoir dans notre vallée l’année prochaine ? Si oui penses-tu faire une Xavier Thévenard en t’essayant à tous les formats de l’organisation et donc participer à la TDS ? Ou alors penses-tu tenter de nouveau une des courses déjà faite ?
ZM : (il réfléchit) Sincèrement si j’ai l’occasion de revenir alors pour sûr je vais revenir ici, car comme je te l’ai dit une partie de moi est déçue, donc je ne vais pas te cacher que je vais partir d’ici avec le sentiment de l’inachevé. Donc je peux déjà te dire que sauf problèmes je suis là l’année prochaine. Après ta question est intéressante car je n’ai jamais pensé à cette histoire de formats de courses. Maintenant saches que je vais revenir sur l’UTMB, pour que je puisse peut être aller au bout des choses !!!
MT : Pour conclure ZACH, au nom de tous les lecteurs de My-trail je te remercie pour ton accueil ici au chalet et pour ta gentillesse car tu as été disponible pour moi tout le long de ton séjour ici et même suite à ton UTMB.
ZM : Merci à toi pour tout l’intérêt que tu nous portes et merci à toutes les personnes que j’ai croisé ici pour toute l’énergie qu’elles m’ont donné. A très vite.